RÉPONSES DE BENOÎT HAMON
QUESTIONS ANIMAL POLITIQUE / COLLECTIF DU 21 SEPTEMBRE
Paris, le 18 avril 2017,
Si vous êtes élu en 2017 Président de la République, prendrez-vous les mesures suivantes 1 ?
Je voudrais au préalable aborder une question essentielle dans notre rapport à
la Nature. Les scandales dévoilés dans les abattoirs il y a peu ont choqué, à
juste titre, les français. Choqués bien sûr de par la violence des images et de
par les mauvais traitements infligés aux animaux souvent par des salariés usés,
cassés par des rythmes de plus en plus intensifs et de plus en plus difficiles à
tenir surtout lorsqu’on dispose d’un matériel inadapté. Choqués aussi par la
découverte de la réalité d’un abattoir, de la mort et de ce qu’il est nécessaire
d’accomplir pour avoir de la viande dans son assiette.
Et c’est là où je veux en venir. Il est absolument nécessaire aujourd’hui de
reconnecter l’Animal et l’Homme. Cela passe par recréer un lien entre le
consommateur et l’animal, qu’il soit d’élevage ou sauvage. Combien d’enfants
ne font pas le lien entre une vache et un steack haché? En revanche, je ne
pense pas qu’il soit opportun que le premier rapport à l’animal d’un enfant se
fasse par l’intervention d’un chasseur en classe. Cela passe par une évolution
de la gouvernance de la chasse en rattachant l’ONCFB à l’Agence française de
la Biodiversité. Enfin, cela passe également par une meilleure représentation
des citoyens au sein des instances de gestion de la faune, et de protection de
l’espace et des espèces ce qui m’amène à répondre à votre première question.
① Reconsidérer la composition des instances consultatives concernant la
faune sauvage, pour mieux représenter les attentes citoyennes
Oui
Comme dans toute instance représentative, il est important que la pluralité soit
respectée surtout pour assurer la défense d’un bien commun. Est-ce le cas tant
au niveau local que national concernant les instances de gestion de la faune
sauvage ? Je ne le crois pas. Des voix manquent au chapitre et elles sont
primordiales, que ce soit celle des organisations de protection de
l’environnement, comme celle du simple usager/voisin (autre que
l’agriculteur/forestier). Il faut des contrepouvoirs permettant des compromis
favorisant toujours l’intérêt général sur l’intérêt privé.
② Intégration de l’ONCFS au sein de l’Agence de la Biodiversité
Oui
C’est une mesure qui avait fait débat lors de l’examen du projet de loi
Biodiversité. Elle avait mis en exergue la puissance de certains lobbys et révélé
au grand jour leurs relais dans les deux chambres du parlement. Certes
l’ONCFS n’a pas la même culture que les autres offices réunis au sein d’une
AFB perfectible, j’en ai conscience. Il faudra d’ailleurs que le travail réalisé par
l’ONCFS le soit également par les autres structures de l’AFB. Il m’apparaît que
les compétences, la science de la nature et la connaissance du terrain de
l’ONCFS apporteraient beaucoup. C’est un processus qui demande du temps et
qu’il faudra accompagner et je m’y engage.
③ Instaurer des jours sans chasse sur tout le territoire, à commencer par le dimanche
Oui
Le dimanche dans la culture française est le jour où l’on prend le temps. Le
temps de voir ses proches, de faire du sport, de fuir la ville. Pour ces raisons, il
m’apparaît être juste, qu’une activité menée par une partie de nos concitoyens
pratiquée dans un lieu commun ne puisse empêcher d’autre citoyens de
pratiquer d’autres activités sur un même lieu. Je considère que l’ « utilisation »
ou la jouissance d’un bien commun, en l’occurrence ici la forêt, doit-être
partagée entre les citoyens, sans hégémonie d’un côté comme de l’autre. Je
suis par conséquent favorable à un jour d’interdiction de chasse par semaine.
④Interdiction de la chasse à courre, la vénerie sous terre
Oui
Cela rejoint l’engagement 22 du Manifeste Animal Politique en faveur de
laquelle je me suis prononcé favorablement : «Interdire les pratiques barbares,
réprimer les pratiques sources de stress infligées aux animaux sauvages pour
des buts autres que la protection ou la conservation. » Il me semble que la
chasse à cour rentre dans le champ de cette définition.
⑤Interdiction des chasses dites « traditionnelles » (matoles, tendelles, gluaux, lacets, etc.)
Oui
Je comprends les traditions et je les respecte. Mais j’entends aussi le cri
d’alerte environnemental qui aujourd’hui ne peut plus nous laisser indifférent.
La chasse, comme une myriade d’activités, doit s’adapter comme l’a toujours
fait l’être humain. Personne aujourd’hui ne peut prétendre le contraire : la
chasse à la glue ne fait pas de différences entre les oiseaux. Elle vise peut-être
seulement quelques espèces, mais ratisse large sur le même principe que les
chalutiers avec les fonds marins. Nous ne sommes plus en mesure aujourd’hui
de pouvoir accepter cette méthode. Au delà de l’absence de distinction entre
les espèces, cette pratique entraine de la souffrance inutile chez l’animal qui n’a
pas lieu d’être.
⑥Interdiction du piégeage
Oui
Le piégeage est une technique potentiellement utilisable mais seulement dans
des conditions précises comme par exemple la stérilisation des animaux
errants. Quand il mutile, quand il fait souffrir, je suis contre le piégeage. En cas
de nécessité, nous devons privilégier la solution la plus favorable au bien-être
animal.
⑦ Interdiction de l’agrainage (alimentation artificielle favorisant la prolifération
des animaux)
Oui
L’écosystème est fragile et nous devons le protéger. Chaque action de l’Homme
a une influence sur cet équilibre et nous devons veiller à en réduire les
conséquences au maximum et bien sûr, chaque fois que cela est possible,
éviter de le faire. L’agrainage vient perturber notre écosystème, en modifiant
les habitudes de consommation de nourriture des animaux. Les quantités de
nourriture et les lieux d’alimentation ont un impact sur leur développement, sur
leur reproduction, etc.… Je pense que chaque fois que la main de l’Homme
peut-être retirée, il faut qu’elle le soit.
Concernant l’agrainage dans le seul but de tirer, je suis également contre cette
pratique.
⑧ Suppression des chasses commerciales et chasses privées en enclos, ainsi
que des entreprises organisant des safaris à l’étranger
Oui
Nous sommes ici bien loin des valeurs prônées par la chasse. La proximité de
la nature n’est qu’un prétexte pour tirer un bénéfice pécuniaire de la souffrance
animale. Nous ne parlons pas ici de Nature mais de reconstitution de nature,
d’artificialisation dans un but de rentabilité. Je suis contre, sauf évidemment
dans un but scientifique ou vétérinaire.
Concernant les safaris à l’étranger, il est compliqué de les interdire depuis la
France. Néanmoins, je porterai une réflexion commune au niveau européen.
Nous avons quelques leviers d’actions, comme celui utilisé par Ségolène Royal
au moment de l’affaire Cecil, après laquelle elle avait interdit l’importation de
trophées de lions. Nous savons bien que ce n’est pas la seule espèce visée,
c’est pourquoi je demanderai un moratoire pour envisager quelles autres
espèces nous pourrions envisager d’ajouter à la liste des interdictions.
⑨ Abandon de la notion de « nuisible » (appelé aujourd’hui « déprédateur »)
Oui
Nous sommes ici en présence d’une bataille sémantique qui ne cache en fait
que l’absence d’évolution du statut des « nuisibles ». La vraie question n’est
pas l’abandon d’un terme mais la remise en question de ce qu’il y a derrière :
pourquoi y’a t’il des nuisibles actifs maintenant alors que ce n’était pas le cas
auparavant ? N’est-ce pas un cercle vicieux entrainé par la main de l’Homme ?
La disparition d’un prédateur débouche sur la multiplication de ses proies,
qu’on exterminera à nouveau pour découvrir ensuite de nouveaux
« nuisibles ». Ceci n’est pas acceptable, il nous faut avoir une vision
d’ensemble, à long terme et peser chacune de nos actions.
⑩- Extension du statut de protection à toute la faune sauvage, organisation du
suivi et du contrôle des populations, par des personnes qualifiées et
indépendantes
Oui
Je pense qu’un être vivant est forcément doué de sensibilité. Comme nous
l’avons fait au cours de ce quinquennat, je proposerai de reconnaître le statut
d’être vivant doué de sensibilité à tout animal sauvage. Cela aurait pour
conséquence de permettre la sanction des actes de cruautés ou des mauvais
traitements infligés aux animaux sauvages. La situation actuelle incohérente
fait que maltraiter un cheval, un chien ou un ours de spectacle est puni par la
loi, en revanche infliger des sévices graves à un animal sauvage n’appelle
aucune poursuite. Cela ne signifie pas de remettre en cause la chasse ou le fait
de tuer un animal, mais de mettre fin aux méthodes de chasse cruelle par
exemple.
⑪ Supprimer les privilèges accordés aux fédérations de chasseurs, en
particulier les missions de service public qui leur sont attribuées.
Oui
Je suis pour une réforme de la gouvernance de la chasse. Il serait à mon avis
intéressant de réaliser un audit des missions de service public confiées aux
fédérations, qui ne peuvent être juges et parties comme c’est le cas pour
l’indemnisation des dégâts des gibiers. Je propose de confier ces missions de
services publics à l’ONF.
⑫ Suppression de la possibilité d’intervention des chasseurs et piégeurs dans
les établissements scolaires et tous établissements accueillant des mineurs
(centres aérés)
Oui
Je suis contre la venue exclusive des chasseurs et des piégeurs dans les
établissements scolaires. Un enfant doit pouvoir avoir accès à un éventail de
connaissances qui ne peuvent venir que d’une pluralité d’opinions. Je pense
qu’il faut arrêter les venues de chasseurs si celles ci ne sont pas accompagnées
de la venue d’un représentant d’une organisation de protection de
l’environnement. En aucun cas également, le chasseur doit encenser
l’utilisation d’une arme à feu dans un établissement scolaire.
⑬ Interdiction des lâchers et des élevages d’animaux destinés aux lâchers de
tirs, à l’origine de nombreux déséquilibres parmi la biodiversité, et donnant aux
chasseurs/ piégeurs un prétexte pour justifier la « régulation ».
Oui
Cette question rejoint celle de l’agrainage. Ma position est donc similaire, je
suis contre.
⑭ Instaurer l’obligation d’un contrôle médical régulier de tous les chasseurs,
portant notamment sur l’alcoolémie et la vision, avec instauration d’un permis
à points
Oui
Le permis de chasse est aujourd’hui beaucoup mieux encadré même si je
souhaiterais qu’il ne soit pas attribué à vie, mais renouvelé régulièrement après
tests de tir et d’évaluation des distances notamment. L’instauration d’un permis
à point peut-être une piste envisageable. Quand à l’alcoolémie, c’est lors des
contrôles sur le terrain qu’il faut l’évaluer. En dehors, cela reste difficile. C’est
une question de sécurité publique pour les chasseurs eux-mêmes, et pour nos
concitoyens.
⑮ En cas d’homicide, sanction immédiate : suppression à vie du permis de
chasse et confiscation des armes, interdiction à vie de participer à une action de
chasse
Oui
Nous ne pouvons pas nous permettre d’être laxistes en matière d’armes. En cas
d’homicide par arme à feu, je suis partisan de la suppression à vie du permis de
chasse. Nos forêts doivent être sûres et pratiquées par des chasseurs
responsables, il en va de la sécurité de tous.
⑯ Mise en place d’une cartographie des périmètres de sécurité excluant tout
acte de chasse à proximité des habitations et lieux publics ; cartographie
largement publiée notamment dans les organes de communication du
ministère de l’écologie.
Oui
Je suis pour la transparence en règle générale. Cette cartographie devrait être
accessible à tous. Certaines mesures de sécurité existent déjà pour les
chasseurs quand ils sont à proximité d’habitations. Il faut à mon sens travailler
à un partage sécurisé et équitable de la nature entre tous.