Lettre ouverte à Mme Ségolène Royal – 22 décembre 2014

A Madame Ségolène ROYAL
Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie
Hôtel de Roquelaure
246, boulevard Saint-Germain
75007 PARIS

Gif sur Yvette, le lundi 22 décembre 2014

Objet : La thématique des chasseurs

Madame La Ministre,
Nous souhaitons attirer votre attention sur un courrier qui vous a été adressé le 15 décembre dernier par la Fédération Nationale des Chasseurs, courrier dans lequel nous retrouvons leurs thématiques familières :
– Les chasseurs sont convaincus qu’ils sont les représentants d’une activité majeure, indispensable pour la société du fait de son poids économique et des milliers d’emplois qu’elle représenterait.

Qu’en est-il en réalité ?

Les chasseurs sont des usagers très particuliers de la nature. Ils représentent aujourd’hui 1,5% de la population et investissent les espaces naturels. Contrairement au football qu’ils évoquent, ou à toute autre pratique de sport, les chasseurs s’accaparent les espaces publics et entendent les gérer en faveur de leur pratique, excluant les autres composantes de la société.
Un certain nombre d’aspects du « poids économique » ont été pointés par la Cour des Compte via l’Audit du fonctionnement de l’ONCFS. Les chasseurs bénéficient de subventions choquantes provenant de fonds publics, notamment des Collectivités Locales. L’ONCFS, Etablissement Public, est sous l’autorité des chasseurs qui y sont majoritaires. Le Président du Conseil d’Administration n’est-il pas Monsieur Sabarot, Président de la Fédération des Chasseurs de Gironde ?…
Concernant les soi-disant dizaines de milliers d’emplois, nous voulons attirer l’attention sur le déficit en terme d’emploi et d’expansion de l’éco-tourisme, du fait de l’impact des pratiques de chasse qui empêchent le développement d’activités pacifiques prisées par la population, comme la randonnée ou l’observation de la nature.
N’oublions pas aussi de compter sur les millions d’euros de manque à gagner pour l’agriculture du fait de l’élimination annuelle des 5 à 600 000 renards par les chasseurs avec l’assentiment des Préfets, au prétexte fallacieux qu’ils seraient nuisibles.
C’est enfin une activité accidentogène pour l’ensemble de la population : chaque année des personnes non pratiquantes de la chasse sont blessées et tuées, dont des enfants.
– Les chasseurs sont inquiets des changements en faveur de la protection animale que pourrait introduire la loi Biodiversité et qui pourraient nuire à leur pratique en en limitant la portée… Les mauvais traitements sur les animaux domestiques ou d’élevages sont pris en considération par le législateur. Les animaux sauvages reconnus comme des êtres sensibles devraient, malgré l’opposition des chasseurs, faire l’objet d’une telle protection.
– Concernant les oiseaux migrateurs et les oies en particulier, il est à noter que le Président Baudin reste dans le flou, ce qui est pour le moins curieux pour un « spécialiste de la nature ». La situation des oies selon leur espèce est très différente. Les chasseurs entretiennent ce flou et une certaine confusion, car leurs assertions ne reposent sur aucun fondement autre qu’assouvir leur passion de tuer.
S’agissant de l’oie Bernache, les chasseurs ont obtenu, contre l’avis des naturalistes, qu’elle devienne la 91 ème espèce chassable en France.
Concernant l’oie cendrée, il a été démontré que c’est bien la pression de chasse en France qui limite l’aire de répartition des oiseaux et favorise sa concentration dans les zones où elles sont protégées, en Belgique et aux Pays-Bas, où l’espèce est la bienvenue. Allonger la période de chasse en France n’aura aucune influence sur les dommages agricoles aux Pays- Bas, comme l’a expliqué Berend Voslamber, le scientifique néerlandais coordinateur du programme de marquage des oies cendrées. En revanche, cela mettrait en péril la petite population d’oies qui va nicher en Norvège. De plus, les effets du réchauffement climatique amenant à une migration plus précoce demanderaient au contraire à avancer la date de fermeture de leur chasse.
Enfin, sur cette question très sensible du fait que les oiseaux font face chaque année à  énormément de contraintes dues au simple développement continu des activités humaines, nous demandons que les espèces migratrices dont les oies font partie, soient déclarées « inappropriables »(Les oiseaux migrateurs parcourent territoires et continents en s’exposant à de multiples dangers et efforts qui les mettent quotidiennement en péril ; c’est pourquoi il nous parait nécessaire de DECLARER les oiseaux migrateurs INAPPROPRIABLES par l’homme, ce qui  les soustrait par principe à toute forme de capture et de destruction, en particulier par la chasse).
– Les chasseurs se targuent d’être les représentants et les défenseurs de la ruralité. Or la ruralité n’est plus ce qu’elle était au siècle dernier. Elle est maintenant composée en grande partie de « néo-ruraux » qui n’attendent pas l’ouverture de la chasse, mais de pouvoir profiter sereinement de leur environnement… L’animation en milieu rural que représente la chasse se résume le plus souvent à un méchoui par an en contrepartie de dizaines de journées de nuisances voire de stress liés au climat de guerre qu’ils entretiennent.
– La chasse est bien en position défensive vis à vis de la loi Biodiversité, contrairement à ce qu’affirme son Président. Les chasseurs craignent que les avancées de la loi aient pour effets  la réduction de leurs prérogatives, que ce soit par le développement de mesures en faveur de la protection des animaux ou le rattachement pourtant logique de l’ONCFS à l’Agence de la Biodiversité, rattachement qui pourrait lui faire perdre l’emprise inadmissible qu’elle a sur cet Etablissement Public.
– Enfin, le Président des chasseurs n’hésite pas à entretenir un climat de confusion en employant des formules comme : « Nous plaidons pour que l’on ose aller plus loin que la loi de 1976, en inscrivant dans la loi le développement de la conservation de la nature par l’utilisation durable et que nous allions plus loin dans la modernisation de la Gouvernance nature engagée depuis 2012 ». A ne pas douter que Monsieur Baudin aimerait faire croire  que les chasseurs pourraient être « les agents de l’utilisation durable de la conservation de la nature » en se présentant comme des régulateurs.
Nous souhaitons dénoncer l’imposture qui sous-tend cette notion de régulation, sachant que les chasseurs sont amenés à soi-disant réguler les effets de leurs propres dérégulations : lâchers de 20 millions d’animaux sortis des élevages, augmentation et maintien d’une surpopulation de sangliers, développement des populations de cervidés là où se concentrent les actions de chasse, etc.
En conclusion, Madame La Ministre, nous restons à votre disposition pour vous présenter notre argumentaire.
En souhaitant qu’enfin l’intérêt général prime face aux  revendications corporatistes, nous vous adressons l’expression de nos respectueuses salutations.

Pour le Collectif du21 septembre
http://collectifdu21septembre.opposantschasse.org
coll.21sept@gmail.com
BP 49 ; 91192 : GIF SUR YVETTE cedex
A ce jour, 30 associations et 150 particuliers adhèrent au Collectif, soit environ 20000 personnes.

Nadia POUPON, Coordonnatrice

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