Conférence de Pierre Jouventin sur le loup, l’homme, le chien… et l’homme face aux super-prédateurs.

Cannes-Mandelieu, auditorium de l’entreprise Thales, 11 Mars 2016
Pierre Jouventin a commencé son intervention en relatant brièvement l’origine de son intérêt
particulier pour les loups et les réflexions qui sont nées de ce rapprochement. L’intervenant est un
spécialiste de la biologie animale et un éthologue qui s’est principalement consacré durant sa
carrière de directeur de recherche au CNRS aux oiseaux et mammifères de l’antarctique et aux
primates africains. Il y a trente-cinq ans, sa femme et lui ont eu l’occasion d’adopter une louve de
quelques jours née dans un zoo et destinée à l’euthanasie. Kamala a pris place dans la famille de
P.J.et celui-ci a tenu une sorte de carnet de bord de l’itinéraire de Kamala pendant sa courte vie (5
ans ).C’est ce document qui a permis l’écriture de l’essai «Kamala, une louve dansma famille»
Kamala a été élevée dans un appartement , expérience rare et très enrichissante pour l’auteur dans
ses rapports avec les canidés, les animaux sauvages et domestiques, et l’espèce humaine, en tant
qu’objet d’étude…et d’inquiétude.
Dans un premier temps, PJ a parlé de sa vie avec Kamala et de tout ce qu’il a pu découvrir et
comprendre des hommes, des loups, des chiens et de leurs évolutions respectives et(ou) corrélées
grâce à ces années passées au contact d’une louve, fût-elle apprivoisée et intégrée à une meute
humaine dont elle s’estime un membre naturel. Il a notamment été confronté à la socialité lupine et à
l’altruisme de Kamala, ancré dans ses caractères innés et conforté par son parcours au sein de sa
famille humaine.
PJ a rappelé l’identité de Canis Lupus, en liaison avec les apports de l’évolutionnisme darwinien. Il a
évoqué les autres canidés sauvages, domestiques et féraux (le dingo) et les aspects génétiques
: il ya plus de différences génétiques entre les chiens de race à race, bien souvent, qu’entre un loup gris
(nos loups gris d’Europe) et un chien (0,2 %): voir «La face cachée de Darwin: l’animalité de l’homme».
Il a aussi de parler du commensal de l’homme, la «roll’s des prédateurs, le chat domestique («voir«
Trois prédateurs dans un salon»: dans l’homme, les chats voient une mère; canis domesticus y
voit le chef de meute, à condition que l’humain sache s’en rendre digne…
L’aventure de la domestication du loup a dû commencer trente mille ans au moins avant notre ère
(33000? 26000 au moins, et les découvertes scientifiques amènent sans cesse à reculer la datation
de cette première domestication paléolithique, bien antérieure à la néolithisation!). Soit par
commensalisme (des loups auraient suivi les hommes pour bénéficier des restes de leurs chasses
aux grands animaux) soit par «adoption» de louveteaux. Les hommes auraient ensuite sélectionné
les loups les plus dociles, les plus prolifiques, les plus aboyeurs et les moins hurleurs, puis auraient
spécialisé les chiens, selon les fonctions qui leur étaient dévolues (ex, des chiens des Lofoten aux 6
doigts qui détrerrent les oisaeux marins). Les chiens ont le museau plus court que les loups, les
pattes moins puissantes, les oreilles souvent basses, et un cerveau un tiers plus petit: Canis lupus
doit affronter des situations plus complexes et plus vitales que Canis domesticus et il doit être vite
adulte; le chien semble être un éternel juvénile qui accepte le chef de meute humain.
Les loups et les hommes ont partagé lamême niche écologique, les loups ont aidé les hommes à
chasser plus efficacement en meutes organisées et finalement ont participé à édifier les moyens de
leur propre éradication par des humains qui, en se «civilisant» ont peut-être perdu la faculté de
vivre en harmonie avec et dans la nature. Nos plus proches,dans le cercle animal, ce sont les loups,
une thèse originale de Pierre Jouventin qu’il compte explorer à nouveau dans ses futurs ouvrages.
La dernière partie de la conférence a été consacrée aux difficiles relations des hommes avec les
loups et les super-prédateurs en général, PJ a abordé les problématiques de la coexistence des ours,
 des loups et du pastoralisme d’une manière très diplomatique et respectueuse des intérêts divergents
qui s’affrontent sans permettre que les loups cessent d’être des boucs émissaires et des ennemis
désignés du monde rural en crise et du lobby cynégétique. On a constaté que les «
super prédateurs» sont les clefs de voûte des réseaux trophiques mais les déterminations qui l’emportent,
hélas, sont l’électoralisme, l’appât du gain et l’aveuglement de ceux qui se sont autoproclamés
maîtres et possesseurs de la nature et des autres vivants. L’étude et la volonté de mieux comprendre
les loups amènent à mieux appréhender les enjeux majeurs de la protection du monde sauvage pour
nous rendre un futur possible. Il est donc essentiel de parler des loups, nos compagnons d’évolution,
et de notre histoire commune sur la longue durée pour tenter de susciter une acceptation des loups et
une (re)connaissance respectueuse de ce «monde animal» duquel nous avons cru devoir nous
séparer.
Posted in Communiqués.

Laisser un commentaire